Depuis toujours, la conservation des aliments est au cœur des préoccupations humaines. Comment être sûr d’avoir de quoi nous nourrir en toutes saisons ? Cette question est vitale ! De nombreuses solutions de conservation ont été imaginées et sont utilisées au quotidien, certaines depuis toujours, d’autres plus récentes. Pour bien conserver un aliment, on peut soit lui appliquer une méthode de conservation, soit l’associer à un (ou des) conservateurs. Je vais vous expliquer pourquoi je fabrique des chocolats sans conservateurs.

Les méthodes de conservation

Il existe également différentes méthodes de conservation, comme la conservation par :

  • le froid : grâce à nos réfrigérateurs, nos congélateurs et les chambres froides
  • le chaud : par la pasteurisation, les boîtes de conserve grâce à Nicolas Appert ou encore le traitement à ultra haute température (UHT)
  • la séparation : par la fumaison, la salaison et la déshydratation

Les différents conservateurs

Il existe différent types de conservateurs :

  • liquides : l’huile, l’eau de chaux, l’alcool et les milieux acides (comme le vinaigre)
  • solides : la graisse (par exemple le confit de canard), le sel (utilisé sur le poisson et la viande) et le sucre (utilisé sur les fruits) ou le miel
  • gazeux : la fumée (utilisée sur le poisson et la viande)

Petite histoire des méthodes de conservation

Nicolas Appert, créateur des boîtes de conserves

Nicolas Appert

Les romains utilisaient la méthode de salaison pour pouvoir conserver les viandes et les poissons. Sous le règne de Napoléon I, il organisa un concours (pour la conservation de la nourriture pour les armées), où Nicolas Appert inventa un procédé de conservation des aliments par la chaleur dans un récipient clos et stérile : l’appertisation (les conserves).

En 1814, la Grande-Bretagne exploite industriellement le procédé. Cette technique sera perfectionnée par l’utilisation de récipients en fer blanc et diversifiée avec la pasteurisation et la stérilisation UHT (Upérisation à Haute température).

C’est vers le milieu du XIXe siècle que les premières machines réfrigérées sont créées : à Londres en 1834 par Jacob Perkins, en France en 1859 par Ferdinand Carré.

En 1913, le premier réfrigérateur est fabriqué à Chicago.

Dans les années 1960, le congélateur vient agrandir la gamme du froid.

Les conservateurs naturels ancestraux

Le sel

Le sel est utilisé comme conservateur depuis la préhistoire ! En Corée, on trouve des traces de poissons et de légumes conservés en saumure datant de l’ère Néolithique ; en Egypte, ce sont même les momies qui étaient traitées avec du sel, dès -3000 av. JC.

Mais en chocolaterie, nous nous intéressons plus au sucre …

Le miel

Pendant la Préhistoire, nos ancêtres récoltaient du miel sur les troncs d’arbres ou sous les roches. Puis vient l’Antiquité et le Moyen-Age, ou le miel était utilisé en tant que confiserie, pour des remèdes et pour soigner les blessés de guerre.

En Egypte, le miel avait un rôle dans le rite funéraire. Les Égyptiens procédaient à l’embaumement des corps avec une mixture à base de miel, de cire, de propolis et de plantes pour les conserver.

Le sucre

Pour connaître l’histoire du sucre, je vous invite à lire un de mes anciens articles. Le sucre permet de conserver les fruits, avec la confiture et la pâte de fruits.

La confiture

confiture de coings

Vers l’an mil, le sucre et les confitures sont introduits en Europe grâce au monde arabe. Puis au Moyen Âge, le mot  « confiture » représentait toutes les confiseries réalisées à partir de fruit cuit dans du sucre ou du miel.  La confiture était appelée électuaire, du latin « eleucterium » qui signifie « médicament à lécher ». La confiture était utilisée pour un usage médicinal.

Au début du XIXème siècle et grâce à la découverte du sucre de betterave, les confitures se banalisent et ne sont plus catégorisées comme étant un produit de luxe.

La pâte de fruit

Pâte de fruitsLes premières pâtes de fruit auraient été préparées en Auvergne aux alentours du Xème siècle : elles permettaient aux croisés d’emporter un peu des vergers du Sud de la France avec eux …

Là encore, l’utilisation du sucre de betterave et du sucre de canne ont permis leur essor à partir du XIXème siècle.

Pour une meilleure qualité de pâte de fruit, mieux vaut utiliser des fruits frais et issus de l’agriculture biologique.

Les conservateurs industriels

Aujourd’hui, les industries alimentaires ont fait d’énormes progrès et ont mis au point d’autres conservateurs. Dans le tableau ci-dessous nous présentons les plus utilisés :

Code

Classe Aliments concernés
E 200-203 Acide sorbique et sorbates Fromages, vins, fruits séchés, purées de fruits, garnitures
E 210-213 Acide benzoïque et benzoates Légumes au vinaigre, confitures, gelées, fruits confits, semi-conserves de produits de pêche, sauces
E 220-228 Dioxyde de soufre et sulfites Fruits séchés, fruits en conserve, produits à base de pomme de terre, vins
E 235 Natamycine Traitement de surface des fromages et des saucissons
E 249-252 Nitrites et nitrates Saucissons, bacon, jambons, foie gras, fromages, harengs au vinaigre

Ces conservateurs sont de plus en plus controversés du fait de leur impact mal maîtrisé sur notre santé …

Fort heureusement, ils ne sont pas utilisés en chocolaterie !

En chocolaterie, nous utilisons du miel, du sucre … et aussi leurs dérivés industriels : sirop de sucre inverti, sirop de glucose, sorbitol …

Le sirop de glucose

Le sirop de glucose est fabriqué industriellement à partir de l’amidon (de blé ou de maïs par exemple). Il est très intéressant en pâtisserie, confiserie et chocolaterie car il :

  • est aussi efficace que le sucre pour conserver les aliments
  • cristallise moins que le sucre
  • évite la cristallisation de l’eau lors de la congélation
  • donne du moelleux aux préparations
  • a moins le goût de sucre (sur nos papilles) que le sucre

Le sirop de sucre inverti

Le miel est un sucre inverti naturel. Le sirop de sucre inverti industriel est fabriqué industriellement à partir du sucre. Il a globalement les même avantages que le sirop de glucose, à la différence qu’il a plus le goût de sucre que le sucre…

Le sorbitol

Le sorbitol est un édulcorant : à quantités égales, il a 4 fois moins le goût de sucre que le sucre ! Il a la particularité de bien retenir l’eau, ce qui permet de conserver le moelleux des aliments. Et surtout, il a un index glycémique très bas, qui permet de proposer des confiseries et pâtisserie aux personnes diabétiques.

Les solutions de conservation utilisées en chocolaterie

En chocolaterie, nous utilisons principalement :

  • les conservateurs ancestraux comme le sucre ou le miel
  • les conservateurs industriels se rapprochant du sucre comme le sirop de glucose, le sirop de sucre inverti, le sorbitol …
  • mais également le froid, par la congélation, car comme je vous l’expliquais dans mon article sur la conservation du chocolat, le chocolat ne se transforme en glace qu’en dessous de -30°C, température que nous n’atteignons jamais avec nos congélateurs, il n’y est donc pas du tout altéré.

Pourquoi je n’utilise ni conservateur industriel, ni congélateur

Le chocolat, c’est mon anxiolytique à moi. Mais j’ai remarqué que pour qu’il soit réellement efficace dans ce rôle, il doit réellement me rassasier à plusieurs niveaux. Il doit :

  • avoir du goût, pour m’apporter du plaisir à la dégustation
  • apporter réellement à mon corps tous les nutriments qui lui ont été promis à la dégustation

Ce n’est pas le congélateur qui pose problème … c’est le temps qui passe !

Ce sont les molécules olfactives d’un aliment qui lui donnent du goût : elles s’envolent, s’approchent de nos cellules olfactives (soit par le nez, soit par la bouche) et nous enchantent. Mais donc par définition elles s’envolent, qu’on soit là pour les sentir ou pas. Quand le chocolat passe du temps dans le congélateur, nous ne sommes pas là pour en profiter …

J’ai donc fait le choix de ne pas conserver mes chocolats au congélateur : je préfère qu’ils soient consommés rapidement,  qu’ils ont encore un maximum de goût. Cela me pose d’ailleurs de grosses contraintes de production, pour l’adapter à vos périodes préférées de consommation, mais c’est un choix que j’assume 😉

Les conservateurs industriels trichent avec notre corps … et nous en consommons déjà trop sans le savoir

Notre métabolisme connaît bien les conservateurs ancestraux comme le miel et le sucre, il sait comment les digérer, les stocker ou les éliminer. Lorsque nos papilles perçoivent du sucre sur la langue, tout notre appareil digestif lance les actions nécessaires pour le traiter comme il se doit.

Lorsqu’un aliment contient un sucre “caché” comme le sirop de glucose (qui a 2 fois moins le goût de sucre pour le même pouvoir sucrant), nous ne pouvons pas le digérer correctement puisque nos papilles n’ont pas pu le détecter !

Lorsqu’on mange un chocolat, on sait qu’on mange un produit sucré. Tant qu’à faire, autant qu’il soit honnête avec nos papilles et notre métabolisme ! C’est pourquoi je n’utilise rien d’autre que du sucre ou du miel dans mes chocolats – quitte à ce qu’ils se conservent un peu moins longtemps.

De manière plus générale, je suis devenue très attentive aux étiquettes des aliments que je consomme. J’évite de plus en plus les aliments très transformés, et, lorsque je peux, préfères cuisiner directement les fruits et légumes … Et vous, que savez-vous des conservateurs ?

 

Carine, votre chocolatière